18.4.06

Le Président de l'Ecole Nationale de la Magistrature devant la Commission d'enquête d'Outreau

juridique et culturel

Le premier Président de la cour de Cassation s’exprime sur le fonctionnement de la justice. Je commente.

Le 11 avril 2006, Monsieur Guy Canivet, a pris la parole devant la commission d’enquête parelementaire sur l’affaire d’Outreau.

En préliminaire, le président de la Commission, Monsieur Valini, s’est confondu en excuses. Il était manifestement gêné de demander au Premier Président de la Cour de Cassation de prêter serment (exactement, il lui a dit que sa demande était « décalée »). Monsieur Canivet s’est prêté de bonne grâce à la prestation de serment et sans commentaire.

Ce Monsieur Valini ne saisit pas la profonde égalité de tout être humain, quelles que soient pas ailleurs ses fonctions, si haute soient-elles. Il aurait été plus digne de ne pas s’excuser, de ne pas trouver la demande légale « décalée ». Si un serment est exigé, c’est en raison de la solennité de l’affaire et donc de l’importance pour le peuple de savoir que l’on dit la vérité, ce n’est pas parce que l’on se méfie de certains plutôt que d’autres.

Monsieur Canivet a lu tout son exposé. Il a, en effet, abordé la question sur un plan très technique, employant beaucoup de termes abstraits, difficilement compréhensibles.

Il parle ainsi de « relativiser ma position », quand il veut dire qu’il va exposer à quels titres il va parler. (Il veut exprimer ce qui est « relatif » entre son exposé et ses fonctions, la relation existante entre ses fonctions et son exposé.) Bref, il veut exprimer qu’il parle à titre de 1) Premier Président de la Cour de Cassation, 2) de Président de la formation disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature, 3) Président du Conseil d’Administration de l’Ecole Nationale de la Magistrature. Triples et impressionnantes « casquettes » dont on se demande comment elles peuvent être réunies sur la tête d’une seule personne, et même si cela est sain, le conseil et la diversité des têtes étant un des principes du bon gouvernement.

De ce très long exposé je ne retiendrai que quelques points.

Monsieur Canivet critique, à juste titre, la confusion dans les personnes, des fonctions de poursuites et des fonctions de jugement. Alors que, selon moi, dans le procès pénal on peut distinguer quatre fonctions : réparations, poursuites, défense, jugement,.

Il dénonce le fait que la poursuite et le jugement soient exercées par les mêmes personnes : les magistrats qui échangent régulièrement les rôles, se retrouvent géographiquement au même endroit (il ne l’a pas dit mais l’on comprend : ce qui facilite les conversations « off the records »), et participent aux mêmes assemblées générales, avec une diarchie dans chaque tribunaux où le Président (le juge) et le Procureur (l’accusateur) sont sur un pied d’égalité, jusque et y compris dans la gestion matérielle de la juridiction.

La défense, quant à elle, est marginalisée, représentée par des avocats extérieurs à l’institution qui ne participent à aucune assemblée générale avec les magistrats, qui sont géographiquement exclus de la « cohabitation ».

Personnellement, je pense que ce ne sont pas les « institutions », les « mécanismes de la justice pénale » (selon l’expression de Monsieur le Premier Président) qui sont surtout en cause, encore que cela reste important, mais surtout la formation morale des magistrats.

Il n’en parle pratiquement pas. Sous ce rapport, il prône seulement la mixité des générations… entre magistrats. Cela est, certes, une bonne idée, mais l’ouverture vers toute la société, vers une culture humaniste et respectueuse de l’homme, de tout homme me semble une chose nécessaire et qui devrait commencer par une simplification du langage, une popularisation de l’expression, ce serait déjà un premier pas.

Ce ne sont pas de techniciens imbus de leur science dont la démocratie a besoin, mais d’hommes profondément humains, certes compétent techniquement, mais qui ne seront rien s’ils ont le sentiment de faire partie d’une caste de savants dominant les avocats et a fortiori le menu peuple non initié. Qu’avant des techniques du droit, ils doivent mettre en œuvre les principes humanistes.

Pour cela l’institution judiciaire ne doit pas avoir pour unique critère la « crédibilisation » de ses décisions, selon l’expression de Monsieur Canivet, mais surtout de rendre la justice, c’est à dire de donner à chacun ce qui lui est dû, à défaut de quoi elle n’aura pas de crédibilité.

Aucun commentaire: