13.4.06

Outreau n'a servi de rien : décret applicable au 1er mars 2006

Fin de la plaidoirie devant le Tribunal de Grande Instance statuant en matière civile ?

Devant le Tribunal de Grande Instance en matière civile, la plaidoirie n’est pas bien vue de l’autorité réglementaire, source de perte de temps pour les magistrats, il convient de la contenir avant sans doute de la supprimer ou de la rendre inutile comme devant les Tribunaux Administratifs.
Nouvel article 764 du Nouveau Code de Procédure Civile : [le juge de la mise en état]
« Il peut, après avoir recueilli l'accord des avocats, fixer un calendrier de la mise en état.

« Le calendrier comporte le nombre prévisible et la date des échanges de conclusions, la date de la clôture, celle des débats et, par dérogation aux premier et deuxième alinéas de l'article 450, celle du prononcé de la décision.

« Les délais fixés dans le calendrier de la mise en état ne peuvent être prorogés qu'en cas de cause grave et dûment justifiée.

« Le juge peut également renvoyer l'affaire à une conférence ultérieure en vue de faciliter le règlement du litige. »
Alors que jusqu’au 1er mars 2006, le juge de la mise en état devait faire montre de compréhension, d’un certain libéralisme dans le traitement des parties, les délais de procédure deviennent maintenant impératifs sauf cause « grave et dûment justifiée ». Encore du contentieux et des démarches !
Selon l’ancien article 779, valable jusqu’au 1er mars 2006 :
Ancien article 779 du Nouveau Code de Procédure Civile :
« Art. 779 Dès que l'état de l'instruction le permet, le juge de la mise en état renvoie l'affaire devant le tribunal pour être plaidée à la date fixée par le président ou par lui-même s'il a reçu délégation à cet effet.
Le juge de la mise en état déclare l'instruction close. La date de la clôture doit être aussi proche que possible de celle fixée pour les plaidoiries.
Le juge de la mise en état demeure saisi jusqu'à l'ouverture des débats. »
Dès que « l’état de l’instruction le permet », on sent ici que le juge doit se plier aux parties, aux avocats, au moins quant au principe et si personne n’abuse. Dans le nouvel article :
Nouvel article 779 du Nouveau Code de Procédure Civile :
« Art. 779. - Sauf dans le cas où il est fait application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 764, le juge de la mise en état déclare l'instruction close dès que l'état de celle-ci le permet et renvoie l'affaire devant le tribunal pour être plaidée à la date fixée par le président ou par lui-même s'il a reçu délégation à cet effet. La date de la clôture doit être aussi proche que possible de celle fixée pour les plaidoiries.

« S'il l'estime nécessaire pour l'établissement de son rapport à l'audience, le juge de la mise en état peut demander aux avocats de déposer au greffe leur dossier, comprenant notamment les pièces produites, à la date qu'il détermine.

« Le président ou le juge de la mise en état, s'il a reçu délégation à cet effet, peut également, à la demande des avocats, et après accord, le cas échéant, du ministère public, autoriser le dépôt des dossiers au greffe de la chambre à une date qu'il fixe, quand il lui apparaît que l'affaire ne requiert pas de plaidoiries.

« Le juge de la mise en état demeure saisi jusqu'à l'ouverture des débats ou jusqu'à la date fixée pour le dépôt des dossiers des avocats. »
On sent bien que la plaidoirie ne plaît pas. L’institution du « dépôt de dossier » qui était la règle de connivence entre avocats et magistrats lorsque l’affaire ne présentait pas de difficulté, devient quasi obligatoire : si le juge de la mise en état exige le dépôt des dossiers des avocats avant l’audience, on peut certes imaginer que les avocats reprennent ceux-ci et plaident. On voit pourtant bien la difficulté : le magistrat pourra répondre, « oui, Maître je connais le dossier ! Inutile de vous étendre ! »

Ainsi le dépôt de dossier qui était une faculté pour les avocats devient, une exigence des magistrats.

Cette réforme : un pas de plus vers la vision technocratique de la justice. Un magistrat sorti de l’ENM a forcément la science infuse et surtout supérieure à celle de l’avocat. L’avocat devient une sorte de subordonné du juge. Qu’un avocat vienne expliquer quelque chose à un magistrat est une incongruité !

Un jour que j’expliquais pourquoi je demandais qu’il n’y ait pas d’article 700 car il s’agissait d’une disposition qui pouvait être invoquée discrétionnairement et donc non imputable à une erreur du demandeur : le magistrat m’a répondu, agacé « oui, je sais Maître, je sais ! » Comme si rappeler la loi était une offense à la science du magistrat !

Ce qu’on oublie ici, c’est que la plaidoirie fait partie de la publicité du débat et donc du contrôle que le peuple peut exercer sur la façon dont on rend la justice en son nom !

Pour nos rédacteurs de lois et règlement, tout est « fonction » dans la société, donc celui qui est organisateur n’a cure de l’avis des populations, de leur contrôle « démocratique » ! Il a la science, lui et donc tout doit plier devant la science et le commun des mortels n’a aucune part à l’œuvre de justice.

Outreau n’aura servi de rien. C'est à craindre !

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