14.9.08

La matière du "bien commun"

Charles De Koninck a écrit un texte très intéressant au sujet du bien commun. Il raisonne en faisant observer que le bien commun est à la fois commun (donc c'est un bien de chacun) et plus élevé que le bien de chacun en ce qu'il est singulier, parce que le bien singulier (manger à sa faim) est moins élevé que le bien commun (dire la vérité, rendre la justice à tous).

Nietzsche, lui, dans sa perspective évolutioniste, considère que les faibles sont un poids pour la société. Il ne faut donc pas chercher leur bien, car en cherchant leur bien ils se multiplient, il faut donc, au contraire les persécuter, leur enlever tout pouvoir, voire les tuer. Le bien commun est donc d'éliminer les faibles.

Par un "raisonnement" qui ne fait que confirmer que l'on a rien compris à la question, on en arrive donc à dire que le "bien commun", c'est d'éliminer les faibles.

Ce qui manque au texte de De Koninck, c'est de savoir ce qu'est matériellement le bien commun.

Le bien commun, c'est l'ensemble des conditions sociales (sinon ce serait un bien singulier) - "ensemble des conditions de vie sociale permettant à l'homme de parvenir plus pleinement et plus aisément à sa propre perfection -- consistant au premier chef dans la sauvegarde des droits et des devoirs de la personne humaine."

Or, pour parvenir à sa perfection, l'homme a d'abord besoin de vérité dans la vie sociale. Il a aussi besoin de justice. Remarquons que ces "droits" sont parfaitement réversibles en devoirs. Si j'ai droit à la vérité, c'est que je dois dire la vérité. Si j'ai droit à la justice, c'est que je dois être juste. Ces droits et devoirs seront plus facilement observés si chacun donne l'exemple et n'attend pas qu'il lui soit donné.

Le bien commun social (pléonasme), c'est que la vérité règne dans la société, que la justice soit rendue par tous et à tous, c'est que les droits de chacun soient respectés, ce qui, correllativement, signifie que chacun respecte par devoir les droits de l'autre (ce qui signifie que les droits des plus faibles - les embryons et les foetus, les handicapés, les malades mentaux, les enfants, les femmes - soient respectés et non foulés au pieds parce que plus faibles) Si mes droits ne sont pas respectés, j'aurais des difficultés à respecter ceux des autres. Si l'on ne rend pas justice au pauvre, il ne pourra payer ses dettes. Exemple qui prouve que le bien de la justice est vraiment commun.

Certains font du bien social, la mise en place d'une société où le bien commun se retourne contre les membres de la société, ce qui est une contradiction dans les termes laissant sans réponse au demeurant

"- qui décidera, et à quel titre il décidera, qu'un membre de la société doit être éliminé pour le bien commun ?"

Quel titre lui conférera le droit de juger de la faiblesse de "l'autre", car il se peut qu'en le jugeant faible, il ne désigne en fait, le fort.

Jésus, "Dieu fort" lui-même n'a-t-il pas été traité de fou par un porc (Hérode le jeune), de blasphémateur par un corrompu (Caïphe), arrêté par une bande nombreuse de minables (dixit saint Thomas More) qui se prenaient pour des agents de la justice ?

Le bien commun, c'est aussi l'égalité fondamentale de tous les êtres humains, leur liberté d'expression et leur amour mutuel.

Si un foetus ou un enfant handicapé, a droit au respect de sa vie c'est que le respect de sa vie est le bien commun de tous : il est l'expression fondamentale de la justice et écarte tout arbitraire, toute volonté de puissance de ceux qui se croient forts. Le bien commun n'est nullement la recherche pour les plus forts (ou supposés tels...) du maximum de satisfactions, il est plutôt la recherche par tous les égaux de la satisfaction morale commune de l'ordre juste.

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