7.5.10

Communiqué du cardinal Ricard sur l'émission "Les infiltrés"


Lu sur le site du diocèse de Bordeaux :

Communiqué du cardinal Jean-Pierre RICARD, archevêque de Bordeaux

suivi du communiqué du conseil presbytéral sur l'émission "les infiltrés" du 27 avril 2010
1) L’émission « Les Infiltrés » sur F2 fait entendre des paroles intolérables de haine, d’appel au meurtre et de violence. Elle retransmet également des propos antisémites, racistes et islamophobes. Ces propos ont été tenus, même si la manière de les recueillir pose quelques problèmes de déontologie journalistique. Ils doivent être condamnés avec la plus grande netteté. Nous sommes aux antipodes de l’enseignement du Christ dans l’Evangile.

2) Cette émission veut mettre en évidence les liens étroits qui existeraient entre ceux qui tiennent ces propos (militants du mouvement Dies Irae et jeunes de l’Ecole privé sans contrat Saint Projet) et l’Institut du Bon Pasteur. C’est sa thèse. Qu’il y ait eu des contacts entre ces jeunes politisés et des prêtres de la paroisse Saint Eloi, c’est certain. De plus, le prêtre qui s’occupe de l’école est responsable aussi de l’ambiance qui y règne, que ce soit au niveau des adultes ou des jeunes. Faut-il dire que les responsables de la paroisse Saint Eloi sont d’accord avec les propos tenus ? Je ne le crois pas. Eux-mêmes d’ailleurs le nient fermement. Je parlerais plutôt de manque fort regrettable de vigilance. Chez certains fidèles il s’agit d’influence de courants provenant d’une traditionnelle extrême-droite catholique.

3) L’accueil dans l’Eglise diocésaine de l’Institut du Bon Pasteur implique une communion avec les autres composantes de l’Eglise de Gironde qui sont appelées à vivre de l’Evangile et à traduire dans des actes l’engagement que l’Eglise catholique a pris à Vatican II vis-à-vis des chrétiens des autres confessions chrétiennes, des juifs, des membres des autres religions et des hommes de bonne volonté. Il ne peut y avoir de contre-témoignage en ce domaine. L’Institut devra rester vigilant sur ce point. Les actes doivent accompagner les déclarations. Il en va de la vérité et de la santé des liens de cet Institut avec l’Eglise diocésaine.

4) Pour aider à cette communion et à cette vigilance, je mets en place une commission de relation avec les responsables de la paroisse de Saint Eloi. Elle aura pour tâche de veiller à la communication entre ceux-ci et les autres instances du diocèse. Elle sera chargée de traiter les contentieux éventuels.

5) Dans sa rencontre des 4 et 5 mai, le Conseil presbytéral, est revenu sur ces événements et a rendu publique, avec mon accord, la déclaration ci-jointe. J’ai demandé à son Bureau de rencontrer avec moi les responsables de la paroisse Saint Eloi, pour leur faire part de l’expression des membres de ce Conseil et de l’émotion de beaucoup de catholiques bordelais.

Suit la déclaration suivante :*

Le conseil presbytéral du diocèse de Bordeaux (40 prêtres délégués par leurs pairs réuni autour de leurs évêques) a été scandalisé par les images et les propos tenus lors de l’émission "les infiltrés" de France 2 et tient à faire la déclaration suivante :

Même si l’émission « les infiltrés » n’est pas sans nous poser question en particulier sur le plan éthique, il n’empêche que nous devons à une chaîne du service public qu’une partie du voile se lève sur les convictions dissimulées et les incitations à la haine et à la violence d’un certain nombre de fidèles des courants traditionalistes et de leurs institutions.

Certes nous ne voulons pas faire d’amalgame mais, au nom de notre fidélité à Jésus-Christ, nous ne pouvons pas nous taire. Nous souffrons que notre foi catholique soit à ce point instrumentalisée à des fins idéologiques et politiques. Nous dénonçons l’antisémitisme et toutes les formes de ségrégation religieuse, raciale ou culturelle. Les actes de bienveillance et d’accueil n’ont pas manqué à l’égard de l’Institut du Bon Pasteur et de la paroisse St Eloi. Il nous semble qu’aujourd‘hui des limites doivent être posées, pour ne pas courir le risque de perdre le sens de la communion et de la vérité du message évangélique.

Nous sommes persuadés que le véritable enjeu ne se réduit pas à la messe en latin ou en français ni à la forme du rite. Nul ne peut ignorer les complicités politiques d’extrême droite de certaines personnes des courants traditionalistes. Celui qui utilise le nom de Dieu comme arme pour justifier ses propres idées tourne le dos à l’Evangile.

Nous partageons la préoccupation du pape de tendre la main à ceux qui ont quitté l’Eglise et de chercher des chemins de réconciliation et d’unité « dans la charité et la vérité ». Bien des initiatives ont eu lieu dans ce sens, qui offrent à nos frères traditionalistes des signes de bienveillance, sans vraie contrepartie de leur part. Car les seuls échos qui nous reviennent manifestent la prétention de personnes sûres d’incarner la seule vraie tradition de l’Eglise.

Le pape Benoît XVI a rappelé à maintes reprises la continuité du Concile Vatican 2 avec la tradition de l’Eglise. C’est dans cette perspective que nous sommes heureux de réaffirmer notre joie d’être prêtres aujourd’hui.

Nous prenons acte de la déclaration de l’Institut du Bon Pasteur contestant tout lien avec quelque mouvance politique. Mais aujourd’hui cette seule déclaration ne suffit pas.


Bordeaux le 5 Mai 2010

contact
Jean ROUET
06 87 70 66 58

J'ai téléphoné à ce numéro à Mgr Rouet pour lui parler de cette affaire. L'"entretien" a été plus que bref, manifestement je fatiguais monseigneur avec mes théories et mes expériences. J'ai donc raccroché précipitamment.

Dommage, car je pense que le problème de l'Institut du Bon Pasteur et de l'abbé Laguérie se trouve dans la formation "Jean Ousset". Cette formation est commune à tous les "traditionalistes" et va de "Ictus" aux "sédévacantistes" (c'est le même esprit), en passant par les lefebvristes modérés et les lefebvristes extrémistes sans oublier les madiranistes. (1)

En général, comme toutes les idéologies, elle tend à accorder une puissance magique au discours. Le discours change la réalité. C'est l'aspect Don Quichotte ou Diafoirus. Le discours de plus est tout puissant.

Plus spécialement, je vois trois points particulièrement pernicieux dans cette idéologie sincèrement chrétienne :

1) Elle combat la liberté religieuse. Elle combat donc le droit naturel en croyant le défendre. Elle a une lecture erronée de "Quas primas" et de "Dignitatis humanae" par défaut de culture notamment juridique. Elle nie de ce fait la dignité inamissible de la personne humaine (la personne n'est digne que si elle est dans la vérité, selon cette idéologie "contrerévolutionnaire" ou "traditionaliste").

2 ) Cette formation contient en outre une notion du "bien commun" sans rapport avec le "bien commun". Cette notion erronée est la reprise inconsciente d'un élément de l'idéologie marxiste. Le bien commun dans cette idéologie devient une sorte de léviathan qui écrase la personne.

Bien qu'ils lisent le texte difficile de Charles De Koninck sur le bien commun et contre les personnalistes, les "traditionalistes" semblent appliquer ce que celui-ci critique. (encore que ce texte contienne en germe les erreurs "traditionalistes" comme je le démontrerai dans un prochain post). Dans leur esprit, confusément "le bien commun n’est pas un bien qui ne serait pas le bien des particuliers, et qui ne serait que le bien de la collectivité envisagée comme une sorte de singulier." Ce qui est la conception marxiste et intégriste du bien commun.

Je vis cela tous les jours, puisque le bien commun de la famille que j'avais fondée m'exclut de tout bien commun (je ne vois jamais la plupart de mes enfants). Le "bien commun" n'est plus commun, car il exclut celui qui est jugé (arbitrairement) une entrave au "bien commun". Le bien commun n'est pas mon bien, ni celui de mes enfants, ni celui de ma femme, mais un bien qui est Dieu et qui ne respecte pas les hommes.


3) Un troisième point erroné de l'idéologie (point qui n'est pas sans lien avec la notion du bien commun) "traditionaliste" consiste en l'exagération de la valeur de la piété et de la prière. Elle pourrait s'exprimer ainsi : "- Je prie donc je me sauve, donc je suis infaillible dans mon discours, Dieu me protège. Ceux qui s'opposent à mes idées s'opposent à Dieu." Cela ressemblerait plutôt à l'islamisme. Ce versant idéologique a sa source dans la lecture erronée des "Exercices spirituels" de saint Ignace de Loyola et dans leur pratique non moins erronée (retraites de cinq jours selon la méthode du très révérend Père Vallet) qui prêche le salut purement individuel et la damnation du plus grand nombre (voire de tous comme chez le père Augustin Joly du monastère Saint Joseph de Clairval).

La négation du caractère communautaire du salut (Spe salvi 14 qui est aussi une encyclique sociale) conduit à la négation du bien commun spirituel et en conséquence du bien commun politique que le bien commun spirituel transcende en même temps qu'il en est la fin (Compendium 170).

Après cela vous pouvez toujours brandir Vatican II (2), penser et dire injurieusement qu'ils ne sont pas des chrétiens sincères, mais des chrétiens instrumentalisant la foi au profit d'idéologies politiques... Bref, utiliser le "prêt-à-penser", mais cela sera sans résultat, car c'est faux.

Du fait des erreurs sur l'adversaire et des injures que vous lui adressez vous renforcerez la conviction des fanatiques que vous voulez combattre.

Tant que vous ne lutterez que contre les effets du mal, sans le prendre à la racine, vous perdrez votre temps, voire vous creuserez des fossés sociologiques et augmenterez le fanatisme des deux côtés. (3)

(1) Je suis consterné en lisant les textes de l'abbé de Tanoüarn. Ils sont pris comme une référence par les "traditionalistes", alors que ces textes manifestent que leur auteur ne comprend pas bien son sujet.

(2) Pour moi, les lumières des textes de Vatican II, notamment de Dignitatis humanae et Gaudium et spes en font des textes nécessaires à l'esprit. Je le précise à toutes fins utiles, je combat l'idéologie traditionaliste, comme le libéralisme.

(3) Quoique sur ce dernier point je salue le souci de modération et de charité sans exclusive du diocèse, je crains seulement qu'il ne soit pas vivifié par une connaissance véritable de l'adversaire et de son idéologie.

1 commentaire:

philippe a dit…

Ces écoles traditionalistes hors contrat avec l'état sont souvent des nids de gens intolérants, psychiquement déstabilisés, en quête d'une identité et d'une radicalité qui les positionne à l'intérieur d'un groupe. Elles manquent souvent d'une organisation structurée qui ouvrent les portes à tout un tas d'individus plus ou moins malfaisant. La facilité avec laquelle on a confié des enfants au journaliste le prouve. Dans mon expérience personnelle étant jeune adolescent, j'ai moi même vécu une telle expérience. J'en suis ressorti brisé, déstructuré et en complet décalage avec la société et j'ai mis plusieurs années à m'en sortir sur le plan psychique. Si ces gens se prétendent "ralliés" au sein de l'Eglise, il convient qu'ils balayent devant leur porte et vite. Un nettoyage de fond est nécessaire et cette affaire est révélatrice de l'esprit sectaire qui gouverne la sphère traditionaliste. Comme le précise le communiqué du cardinal Ricard, on attend toujours les signes de cette communauté envers Rome et pour l'instant les signes en question restent unilatéraux.