13.11.11

Ordre public et religions, commentaire sur un extrait du discours du cardinal Vingt-Trois

La cardinal Vingt-Trois a parlé dans son discours d'ouverture de l'assemblée plénière de l'épiscopat de novembre 2011 de l'"ordre public" et de la "Déclaration universelle des droits de l'homme" en ces termes :



"Répétons-le encore une fois, une lutte efficace contre les comportements fanatiques ne viendra pas d'une exclusion des religions de l'espace public. Elle suppose, au contraire, une meilleure connaissance des religions et un apprentissage pratique de leur coexistence. La déclaration universelle des Droits de l'Homme et ses prolongements ont plus de pertinence que ses défenseurs ne le croient parfois. La liberté de conscience n'est pas seulement une liberté privée, elle suppose une liberté de culte et de manifestation publique de ses croyances dans le respect de l'ordre public. La responsabilité républicaine authentique porte donc sur ce respect de l'ordre public et non sur l'organisation des religions. Quelques-unes de ces questions ont été reprises lors du colloque organisé par la Conférence des Responsables de Culte en France au Sénat le 17 octobre dernier."

Il n'y a pas opposition entre exclusion des religions de l'espace public et meilleure connaissance de celles-ci. On peut très bien imaginer un gouvernement fanatiquement laïciste qui connaisse les religions et un gouvernement fanatiquement "catholique" qui exclue les autres religions parce qu'il les connaîtrait. La "coexistence" des religions n'est pas un but en soi. On peut imaginer une société unanimement vouée à une religion, sous la réserve de respecter les droits de éventuels convertis à une autre religion et sur le fait que l'adhésion à la religion soit raisonnable, conforme à la raison. La pluralité des religions est un fait, elle n'est pas un droit, elle n'est pas une nécessité. La Déclaration universelle n'est pas une déclaration des droits des religions. C'est une déclaration des droits de l'homme. La liberté religieuse est un droit de l'homme seul ou groupé à accomplir des actes religieux, mais pas un droit "des religions".

La liberté de conscience est une liberté privée et n'est pas arbitraire. La liberté de conscience est une liberté du jugement moral. Ce jugement ne peut être qu'individuel. "La liberté de culte et de manifestation des croyances dans le respect de l'ordre public", n'est pas plus une liberté limitée par un "ordre public" arbitraire qui serait le fait que les voitures ne soient pas brûlées dans la rue. L'ordre public est un ensemble de valeurs, il est d'abord immatériel. Cet ordre public comprend, par exemple, le droit au mariage, le droit à ne pas être insulté en raison de ses croyances, le respect des droits spéciaux de l'enfant, le respect des finances publiques justes etc. L'ordre public, c'est la justice et la vérité pour tous. Certes, l'État n'a pas à interférer dans l'organisation des religions ; mais ce n'est pas absolu, l'ordre public informe tout, en cas de structure injuste, en cas de prédication contraires aux droits universels de l'homme, en vertu de l'ordre public l'État a le devoir d'intervenir dans la mesure de sa compétence (il doit non seulement tolérer, mais encore, dans certains cas il ne doit pas empêcher certaines injustices).

La liberté de conscience ne s'oppose pas à l'ordre public, elle en fait partie. (1)

Enfin l'enthousiasme pour la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 doit être modéré par le fait que celle-ci a fait l'objet de "réserves justifiées" reprises à son compte par le pape Jean XXIII dans "Pacem in terris";

« 144 – Nous n’ignorons pas que certains points de cette Déclaration ont soulevé des objections et fait l’objet de réserves justifiées. Cependant, Nous considérons cette Déclaration comme un pas vers l’établissement d’une organisation juridico-politique de la communauté mondiale. Cette Déclaration reconnaît solennellement à tous les hommes, sans exception, leur dignité de personne ; elle affirme pour chaque individu ses droits de rechercher librement la vérité, de suivre les normes de la moralité, de pratiquer les devoirs de justice, d’exiger des conditions de vie conformes à la dignité humaine, ainsi que d’autres droits liés à ceux-ci. »

Cette déclaration est donc un instrument utile au service des droits de l'homme, mais elle a besoin d'intégrer des progrès sur des points particuliers (par exemple indissolubilité du mariage)


(1) Dignitatis humanae nous donne des éléments entrant de l'ordre public, justement à propos de la liberté religieuse et par là évoque ce qu'est l'"ordre public" :

En outre, comme la société civile a le droit de se protéger contre les abus qui pourraient naître sous prétexte de liberté religieuse, c'est surtout au pouvoir civil qu'il revient d'assurer cette protection; ce qui ne doit pas se faire arbitrairement et à l'injuste faveur d'un parti mais selon des normes juridiques, conformes à l'ordre moral objectif, requises par l'efficace sauvegarde des droits de tous les citoyens et de leur pacifique accord, et par un souci adéquat de cette authentique paix publique qui consiste dans une vie vécue en commun sur la base d'une vraie justice, ainsi que par le maintien, qui se doit, de la moralité publique. Tout cela fait fondamentalement partie du bien commun et entre dans la définition de l'ordre public. 

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