22.6.12

Le Syllabus ne s'explique pas par le machiavélisme ou la colère


Selon Mgr Podvin (une interview à l'AFP) à propos de la crise lefebvriste :


Il faut remonter l'Histoire. En 1864, le Pape Pie IX défend l'idée que l'État peut imposer la vérité, celle d'un État catholique. Mais il est à l'époque chef des États pontificaux, soit du tiers de l'Italie, cette situation change en 1870, lorsque Garibaldi entre dans Rome et que celle-ci devient la capitale de l'Italie réunifiée.

Ce n'est pas exact. Le Syllabus ne dit pas que l'Etat peut imposer la vérité catholique. Il dit que l'Etat peut confesser la foi catholique. C'est la liberté de l'Etat. A aucun moment il ne dit que l'Etat peut enseigner la foi catholique et imposer la vérité. Il condamne en revanche le laïcisme qui impose une vérité d'agnosticisme à l'Etat.

Je m'excuse de rappeler que Pie IX n'est pas un machiavélien pour lequel les événements dictent la vérité du moment. Le Syllabus, au contraire, annonce la Déclaration sur la liberté religieuse et il est fondé sur elle.

Par exemple nous lisons dans le Syllabus à propos des droits de l'Eglise :

XXV. En dehors du pouvoir inhérent à l'épiscopat, il y a un pouvoir temporel qui lui a été concédé ou expressément ou tacitement par l'autorité civile, révocable par conséquent à volonté par cette même autorité civile (9).

XXVI. L'Église n'a pas le droit naturel et légitime d'acquérir et de posséder (18, 29).
 XXVII. Les ministres sacrés de l'Église et le Pontife Romain doivent être exclus de toute gestion et possession des choses temporelles (26).
 XXVIII. Il n'est pas permis aux Évêques de publier même les Lettres apostoliques sans la permission du gouvernement (18).

Toutes ces propositions condamnées étaient soutenues par des ennemis de la liberté religieuse.

Le Syllabus annonce la doctrine des droits de l'homme :

"XXXIX. L'État, comme étant l'origine et la source de tous les droits, jouit d'un droit qui n'est circonscrit par aucune limite."

A sujet de la liberté de l'Etat :

"LXXVII. A notre époque, il n'est plus utile que la religion catholique soit considérée comme l'unique religion de l'État, à l'exclusion de tous les autres cultes (16).

LXXVIII. Aussi c'est avec raison que, dans quelques pays catholiques, la loi a pourvu à ce que les étrangers qui s'y rendent y jouissent de l'exercice public de leurs cultes particuliers (12).

LXXIX. Il est faux que la liberté civile de tous les cultes, et que le plein pouvoir laissé à tous de manifester ouvertement et publiquement toutes leurs pensées et toutes leurs opinions, jettent plus facilement les peuples dans la corruption des mœurs et de l'esprit, et propagent la peste de l'Indifférentisme (18).

LXXX. Le Pontife Romain peut et doit se réconcilier et transiger avec le progrès, le libéralisme et la civilisation moderne (24)."

La proposition LXXVIII ne signifie nullement c'est à tort que l'Etat permet la jouissance de l'exercice d'un culte particulier, mais que c'est à tort que l'on condamne moralement l'Etat catholique (si les conditions en sont réunies) et qu'en vertu de cette condamnation générale on critique sans titre les législations relatives au culte des étrangers. L'Etat jouit d'une liberté d'organisation des cultes des étrangers (a contrario, on reste libre de juger au sujet des nationaux). L'Etat peut agir en prudence selon les données historiques. Personne ne peut dicter son attitude à un Etat au nom de la morale.


Pour la proposition LXXX : personne n'a de titre à dicter sa conduite au Pontife Romain. On ne peut déduire de cette proposition que le Pontife Romain ne peut ni ne doit ni se réconcilier, ni transiger avec le libéralisme et le civilisation moderne. 

Lire le Syllabus est difficile, il faut toujours tenir compte en le lisant qu'il s'agit d'une condamnation dont la portée est circonscrite par la formule, tout ce qui est voisin, analogue, tout ce qui évoque des propositions voisines ne tombe pas dans le périmètre de la condamnation. Ces propositions sont tirées de textes écrits à propos d'ouvrages contemporains, il est nécessaire également de garder ce fait en mémoire en lisant le document.

Il faut donc lire très attentivement le Syllabus mot à mot. Ensuite, il faut pour bien comprendre le Syllabus bien intégrer au contraire, avant la lecture, ce droit naturel universel qu'est la liberté religieuse qui interdit les condamnations générales et sans titre, ou fondées sur un faux titre moral, des convictions et comportements religieux alors qu'ils ne sont pas contraires aux droits fondamentaux et universels de l'homme. 

Dignitatis humanæ et le Syllabus dont donc compatibles car le Syllabus est fondé sur la liberté religieuse. Ce fait, selon moi, est nécessairement de foi puisque les deux documents sont infaillibles.

Ce qu'il y a de commun entre ceux qui condamnent le Syllabus et ceux qui condamnent Dignitatis humanæ est un certaine désinvolture à l'égard des enseignements des papes, un manque de confiance dans la doctrine des papes.

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